Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/428

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Saint-Victor ; il répondit parfois à une lettre universitaire, étant adossé à un portant de coulisse, et ses droits d’auteur vinrent fréquemment combler le vide de sa caisse d’instituteur. Or, à qui dut-il ce talent ? A un de ces hasards providentiels comme sa vie en abonde, et qui étaient à la fois l’œuvre de la Providence et la sienne. Elle lui offrait l’occasion, il la fécondait.


II

Goubaux aimait tout, comprenait tout et s’intéressait à tout : il s’intéressait donc aux ouvrages dramatiques comme au reste ; je pourrais même dire plus qu’au reste ; on n’a pas une imagination aussi inventive sans un goût très vif pour les œuvres d’invention. Un jour donc qu’il dînait avec quelques amis, l’entretien tomba sur le théâtre. On discutait alors beaucoup à propos des unités de temps et de lieu. Un des convives, classique intraitable, prétendait qu’un pur caprice de législateur littéraire n’avait pas circonscrit l’action théâtrale dans un espace de vingt-quatre heures, que cette contrainte salutaire était une des conditions principales du succès.

« Une pièce qui embrasserait une année, disait-il, ne pourrait pas avoir d’intérêt.

— Pas d’intérêt, reprit Goubaux avec cette verve et cet entrain qui faisaient de lui un causeur charmant, par