Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/434

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exposera ses malheurs, je courrai à ma caisse pour y prendre ce qu’il me demande… Mais ma caisse est sans cesse vidée par mes aumônes, je n’y trouve que trois cents francs en billets. Je les compléterai avec soixante francs en pièces de cinq francs, j’y joindrai même quelque menue monnaie, et enfin, pour achever sa somme, j’emprunterai le reste à mon maître clerc. A la bonne heure ! Voilà qui fera du bruit dans la paroisse ! Je vais plus loin même que saint Martin, puisque je prends jusqu’au manteau du voisin pour habiller un pauvre. Me voilà sacré saint homme. »

Au quatrième acte, il chercha encore un effet du même genre ; mais, cette fois, il n’y eut pas moyen de le satisfaire. Jacques Ferrand voit entrer dans son cachot la mulâtresse Cicily, dont il est affolé. A cette vue, tous ses instincts de bestialité effrénée se réveillent, et commence alors entre eux une scène de supplications, de menaces, de larmes, d’amour. Frédérick, à l’une des dernières répétitions, errait sur le théâtre comme un fauve dans sa cage…

« Que cherchez-vous donc encore ? lui dit Eugène Sue en riant.

— Est-ce qu’il n’y aurait pas possibilité, répondit-il, de mettre dans un coin une botte de paille sur laquelle on craindrait que je ne la jetasse. »

Il n’eût pas sa botte de paille, mais il n’en fut pas moins terrible de sensualité farouche.

Le jour de la première représentation, avant cette scène, il attendait dans la coulisse le moment de son entrée ; le moment venu, il se retourna vers Goubaux