Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/450

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piqueurs et chasseurs venaient à fond de train dans la direction de la haie. Elle se lève tranquillement, ordonne à ses gens de saisir deux des plus beaux chiens de la meute, et, suivie de son jardinier qui, sur son ordre, s’arme d’un fusil, elle arrive à la haie, ayant toujours sa broderie à la main. En même temps qu’elle, se présentent deux jeunes chasseurs à cheval… « Pardon, messieurs, leur dit-elle, en continuant à broder, mais vous ne passerez pas. » Stupéfaction, irritation moqueuse des deux jeunes gens qui poussent leurs chevaux en avant. « N’avancez pas, messieurs, ou mon jardinier tire immédiatement sur vous. C’est un cas d’effraction, ajouta-t-elle en riant. On se défend. Oh ! j’oubliais… Veuillez dire au prince, que j’ai fait prisonniers les deux plus beaux chiens de sa meute. Ce sont des otages. » Après un moment d’hésitation, les jeunes gens saluèrent et tournèrent bride. La chasse s’arrêta, le cerf s’échappa, et la négociation entamée pour la reddition des captifs, amena entre le prince et Clélie, un échange de lettres, de propositions qui se terminèrent, avec tous les honneurs de la guerre et toutes les grâces courtoises de l’ancienne société française, par l’entrée de la belle jeune Romaine, dans le salon du prince de Bourbon. »

Le récit de ma femme me monta si bien la tête, qu’à peine le déjeuner fini, je courus à ma table de travail, et, le soir, j’avais bâti là-dessus et presque écrit tout un premier acte. Goubaux étant venu nous demander à dîner, je lui lus mon travail de la journée. « Diable, s’écria-t-il, mais il y a là une pièce en cinq acte.