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CHAPITRE V

UNE HISTOIRE VRAIE


J’étais à Rome en 1832. J’avais vingt-cinq ans. J’y fis rencontre d’un Français, un peu plus âgé que moi, mais qui me plut par son énergie et son originalité. Grand, vigoureux, sanguin, la barbe noire, et les yeux d’un bleu très clair, ce qui donne toujours un aspect étrange, M. Auguste Leroux allait chasser dans les environs de Rome avec Horace Vernet, faisait des armes avec Constantin, le célèbre peintre sur porcelaine, peignait lui-même agréablement, rapportait de ses expéditions de chasseur autant de jolies aquarelles que de gibier, dépensait l’argent en grand seigneur et… s’ennuyait mortellement. Il avait un fonds de spleen naturel, héréditaire, et bien justifié par un événement terrible qui lui était arrivé dans sa jeunesse. Son père, déjeunant un matin à la campagne avec lui et sa sœur, se leva silencieusement, et, au bout de quelques instants, les deux enfants entendirent un coup de feu ;