Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/478

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Dans le père de Louise de Lignerolles, il enthousiasma Mlle Mars, qui me dit un jour, pendant qu’il répétait le cinquième acte : « Entendez-vous le vieux lion ! » Cet éloge me charma d’autant plus que j’étais pour quelque chose dans ce rugissement-là. Au début des répétitions, je n’étais pas très satisfait de Joanny dans cette scène : il n’y mettait pas, à mon gré, toute l’énergie qu’elle demandait. Mais comment le lui dire ? J’avais trente ans, et il avait des cheveux blancs : je n’osais pas. Je m’imaginai alors, la répétition finie, d’aller à lui, de m’extasier sur sa façon d’interpréter cette tirade ; puis, la reprenant alors tout entière, comme pour la lui répéter telle qu’il la disait, je la lui dis telle que je la sentais. Il m’écouta attentivement, me regarda silencieusement, et partit. Le lendemain, à la répétition, j’étais au balcon ; Joanny, cette scène arrivée, reproduit exactement toutes mes intonations ; puis, se retournant vers moi, et me saluant avec infiniment de grâce, il me dit : « Monsieur l’auteur est-il content ? »


III

Je serais ingrat si je ne disais quelques mots de M. Geffroy, avant de parler de Mlle Mars. D’abord, j’ai un faible pour son talent, par une bien bonne raison : c’est moi qui l’ai deviné. Le rôle de M. de Givry, le