Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/480

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à bout qu’en lui tenant tête ; on ne lui impose qu’en s’imposant. La seconde règle, que j’ai depuis entendu professer hautement à Scribe, c’est qu’au théâtre, l’effet est produit, non par le coup, mais par le contre-coup. Dans Louise de Lignerolles, le coup avait été dur, mais à la quatrième réplique vint le contre-coup, qui servit de tremplin. Quand M. de Givry réclamait brutalement à Henri de Lignerolles, sa femme cachée chez lui. ― « Eh !si elle y était, lui dit Henri, me croyez-vous assez lâche pour la livrer ? ― Vous l’avez bien été assez pour la corrompre ! » lui répond le colonel. A cette réponse excellente, et trouvée par Goubaux, les bravos éclatèrent et ne s’arrêtèrent plus. Le rôle ne fut qu’un long triomphe, où M. Geffroy eut sa bonne part.

Il s’y montra en avance sur son temps, par cette science du costume et de l’attitude, qui a été un de ses grands talents. Avec ses larges moustaches, son bouquet de cheveux hérissés, roussâtres et grisonnants, sa démarche d’officier de cavalerie, sa voix coupante comme l’acier, ses répliques cinglées et sifflantes comme des coups de cravache, il faisait peur. Quand Henri de Lignerolles lui disait : ― « Monsieur de Givry, vous êtes un lache ! » il fallait le voir, prendre un long temps, et lui répondre avec un rire de sarcasme : ― « Vous croyez ? » ― A huit heures du soir, M. Geffroy était une espérance ; à minuit, c’était un talent.

Arrivons à Mlle Mars.


IV