Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/508

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coup d’État la plus belle chose du monde, et elle exècre tout ce qui porte le nom de républicain. Enfin nous allons essayer. » Nous entrons chez la vieille dame. « Eh bien, ma mère, voilà notre ami M. Legouvé, qui vient nous donner des nouvelles. ― Ah ! le cher Prince va bien ? ― Oh ! lui… Il ne va pas mal !… mais ce sont les représentants… ― Tu veux dire les députés ? ― Ils sont poursuivis, traqués !… ― Tant mieux ! Pourvu qu’on les prenne tous… ― Que veux-tu qu’on en fasse ? ― Qu’on les fusille, ces misérables. Pas de grâce ! ― Pourtant, ma mère, il y a parmi eux de braves gens… ― Lesquels donc ? ― Tiens, par exemple, M. Schœlcher. ― Oh ! parlons-en de celui-là ! C’est un des pires ! Il paraît qu’il a fait massacrer des milliers de blancs dans les colonies. Je ne suis pas méchante ! Mais si je le tenais, il passerait un mauvais quart d’heure. ― Eh bien, maman, dit L… nettement, il sera ici dans deux heures. ― Hein ? ― Il vient te demander asile. ― Quoi ? ― Il compte sur nous pour le recueillir, le sauver. ― Sur moi ! ― La police le poursuit, et si tu lui fermes ta porte, il est perdu. » Alors, éclata dans le cœur de cette excellente vieille femme, car il n’y en a pas de meilleure, la lutte la plus étrange, la plus comique entre son humanité et ses opinions politiques. Elle marchait tout éperdue dans la chambre. Elle parlait à mots entrecoupés. « Me voilà bien !… » s’écriait-elle. Puis se retournant vers son fils : « Tu avais bien besoin de me mettre cette affaire-là sur le dos, toi ! ― Enfin, maman, c’est fait. J’ai promis. Il va venir, faut-il le renvoyer ? ― Le renvoyer ? le renvoyer ? Un homme