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CHAPITRE IX

ADOLPHE NOURRIT


Je n’oublierai jamais l’impression profonde que causèrent dans Paris, au printemps de 1839, ces quelques mots inscrits dans un journal : « Adolphe Nourrit s’est tué à Naples, en se jetant d’un cinquième étage. » Ce fut un véritable cri de stupeur et de chagrin ! En pleine jeunesse ! Il avait trente-neuf ans. En plein talent ! En pleine gloire ! Marié ! Père ! Père de six enfants ! Rempli de sentiments religieux !… Était-ce folie ? désespoir ? Accès de fièvre chaude ? On se perdait en douloureuses conjectures. Quant à moi, qui avais connu et aimé Nourrit, cette nouvelle me causa un vrai chagrin. Je demeurai plusieurs jours sans pouvoir travailler. En me promenant dans les bois, je voyais toujours ce corps tombant dans le vide, et cette tête vraiment charmante s’écrasant sur le pavé et se brisant au milieu d’une mare de sang.