Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/646

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se sentait élégante dans ses poses de jeune malade ; elle se faisait l’effet d’une belle statue de la douleur.

Trop souffrante pour me recevoir, lorsque je me présentai, elle me fit dire que ma visite la touchait singulièrement, et qu’elle me priait de revenir.

Quand je revins, sa sœur me remit une lettre d’elle, dictée pour moi, toute pleine de termes d’affection, de regrets du passé, et se terminant par cette phrase qui m’émut doublement, et par sa confiance en moi, et par le reste d’espérance qu’elle trahissait. « A bientôt, nous nous reverrons ici, ou à Paris. Vous êtes l’auteur qui faites le mieux aujourd’hui les personnages de femme, promettez-moi que vous m’écrirez mon rôle de rentrée. » Trois jours après elle était morte. Heureusement elle n’était pas morte tout entière. On se rappelle ses touchantes larmes à la répétition d’Adrienne, sa crainte de mourir jeune, et cette mélancolique parole : « Bientôt, il ne restera plus rien de celle qui fut Rachel. » Elle se trompait ; il reste quelque chose d’elle ! Il y a un rayonnement autour de son nom ! On l’associe volontiers à celui d’une autre jeune et sublime artiste, enlevée comme elle avant l’âge : On dit : Rachel et La Malibran.