Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/659

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les appointements étaient plus aléatoires, mais beaucoup plus considérables dans les théâtres de passage : tel premier sujet n’avait signé avec un entrepreneur, qu’avec une garantie solide pour la totalité de ses appointements, de façon que le théâtre se ruinait peut-être, mais que l’acteur ne se ruinait pas. Comment donc lever tant d’obstacles, satisfaire tant de prétentions opposées, faire taire tant de passions rivales, concilier tant d’intérêts contraires ? Il n’y fallait pas moins qu’un miracle. Ce miracle, c’est M. Mahérault père qui l’accomplit. François de Neufchâteau lui remit pleins pouvoirs et se déchargea sur lui de tout le travail. Mahérault se mit à l’œuvre avec passion. L’acteur Saint-Prix lui dit : « Vous entreprenez une tâche impossible ; vous ne connaissez pas la race des comédiens : ils vous feront mourir à coups d’épingles. ― C’est moi qui les ferai revivre, répondit M. Mahérault. Je veux que le Théâtre-Français soit une œuvre nationale ; je veux que les artistes soient chez eux, et que la maison s’appelle la Maison de Molière, de Corneille et de Racine. » Il le dit, et il le fit.

Le 11 prairial, an VII (30 mai 1799), s’étala sur les murailles de Paris cette affiche : « Réouverture du Théâtre-Français : le Cid et l’École des maris ». La vue de cette affiche paya M. Mahérault de toutes ses peines, et il n’en voulut pas d’autre prix.

Élevé par un tel père, on devine ce que fut l’éducation du jeune Mahérault. Il avait la passion du théâtre dans le sang. On le conduisit au spectacle pour la première fois à deux ans. Il eut pour parrain Marie-Joseph