Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/673

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vous ferez là œuvre excellente de philosophie. Aujourd’hui, au milieu de toutes les déclamations discordantes que soulève cette question, au milieu de toutes les folles et malsaines théories de la femme libre, nous avons besoin d’entendre la voix d’un homme de famille, qui soit en même temps un homme d’art. Or, vous êtes précisément cet homme-là. Ne craignez pas que cette étude vous détourne de vos travaux de théâtre et de poésie, elle les fortifiera ; car si la question des femmes est le plus sérieux des sujets, il en est aussi le plus pathétique, le plus poétique et le plus charmant. Un dernier mot, mais décisif : vous devez ce travail à votre père ; cela fait partie de son héritage. »

Ce dernier argument me persuada ; je me mis au travail, et dès le début se révéla à moi un fait imprévu et bon à signaler.

A vingt ans j’avais fait mon droit, le l’avais même très bien fait, mais en grommelant tout bas : Quelle absurdité ! Perdre, à me barbouiller la mémoire des Pandectes, des Institutes et du Code, un temps que je pourrais employer si utilement à apprendre une langue de plus, à pénétrer dans une littérature nouvelle ! A quoi me servirons mes trois années de droit dans mon métier d’écrivain ? Or ce fut précisément l’élève en droit qui vint en aide à l’écrivain. Ce fut mon étude du code qui donna à mon livre une assise solide. C’est elle qui, au lieu d’un ouvrage simplement agréable et intéressant, me dicta, en faveur des femmes, un travail fondé sur la connaissance approfondie de leurs douleurs réelles, sociales. C’est elle enfin qui me permit, au lieu de les