Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/694

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Politique pure, philosophie, poésie, histoire, économie politique, tous les grands objets de la pensée humaine étaient à l’ordre du jour dans tous les esprits. Un groupe d’élèves de l’École polytechnique avait pris pour devise cette formule : Amélioration physique et intellectuelle de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Reynaud, pendant son séjour à Paris, s’était joint à eux, et c’est dans cette double disposition de cœur et d’esprit, c’est tout plein, si je puis parler ainsi, de l’âme de la France nouvelle, qu’il partit pour la Corse, en 1829, comme ingénieur des mines.

Il rencontra en route, à Marseille, sur le bateau, un de ses camarades de promotion, Lamoricière, qui partait comme sous-lieutenant pour l’Algérie. Ils passèrent tous deux une partie de la nuit sur le pont, couchés à côté l’un de l’autre, regardant les étoiles et se disant gaiement : « Quelle est la nôtre ? » Grand eût été leur étonnement si on leur eût dit qu’à vingt ans de là, ils se retrouveraient dans une assemblée représentative républicaine, l’un comme ministère de la guerre, l’autre comme secrétaire général au ministère de l’Instruction publique.

Les premiers temps de son séjour en Corse ne furent cependant pour Reynaud que la continuation de sa vie de voyageur et de chasseur. On l’envoyait dans ce pays comme ingénieur des mines ; mais il n’y manquait que les mines. Ils l’écrivit au ministre ; puis, trop fier pour manger le pain de l’État sans le gagner, il entreprit de dresser sur place une carte géologique de l’île. Le voilà donc parti sur un petit cheval corse nommé Bayard,