Page:Leibniz - Discours de métaphysique, éd. Lestienne, 1907.djvu/81

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s’est trouvé, et plusieurs théologiens mystiques, l’ont pris d’une manière digne de Dieu et capable d’élever l’âme à la connaissance de son bien.

29. ‑ Cependant nous pensons immédiatement par nos propres idées et non par celles de Dieu.

Cependant je ne suis pas dans le sentiment de quelques habiles philosophes, qui semblent soutenir que nos idées mêmes sont en Dieu, et nullement en nous. Cela vient à mon avis de ce qu’ils n’ont pas assez considéré encore ce que nous venons d’expliquer ici touchant les substances, ni toute l’étendue et indépendance de notre âme, qui fait qu’elle enferme tout ce qui lui arrive, et qu’elle exprime Dieu et avec lui tous les êtres possibles et actuels, comme un effet exprime sa cause. Aussi est-ce une chose inconcevable que je pense par les idées d’autrui. Il faut bien aussi que l’âme soit affectée effectivement d’une certaine manière, lorsqu’elle pense à quelque chose, et il faut qu’il y ait en elle par avance non seulement la puissance passive de pouvoir être affectée ainsi, laquelle est déjà toute déterminée, mais encore une puissance active, en vertu de laquelle il y a toujours eu dans sa nature des marques de la production future de cette pensée et des dispositions à la produire en son temps. Et tout ceci enveloppe déjà l’idée comprise dans cette pensée.

30. ‑ Comme Dieu incline notre âme sans la nécessiter ; qu’on n’a point le droit de se plaindre, et qu’il ne faut point demander pourquoi Judas pèche, mais seulement pourquoi Judas le pécheur est admis à l’existence préférablement à quelques autres personnes possibles. De l’imperfection originale avant le péché, et des degrés de la grâce.