Page:Leibniz - Discours de métaphysique, éd. Lestienne, 1907.djvu/84

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en a contient cette action future libre. Il ne reste donc que cette question, pourquoi un tel Judas, le traître, qui n’est que possible dans l’idée de Dieu, existe actuellement. Mais à cette question il n’y a point de réponse à attendre ici-bas, si ce n’est qu’en général on doit dire que, puisque Dieu a trouvé bon qu’il existât, nonobstant le péché qu’il prévoyait, il faut que ce mal se récompense avec usure dans l’univers, que Dieu en tirera un plus grand bien, et qu’il se trouvera en somme que cette suite des choses dans laquelle l’existence de ce pécheur est comprise, est la plus parfaite parmi toutes les autres façons possibles. Mais d’expliquer toujours l’admirable économie de ce choix, cela ne se peut pendant que nous sommes voyageurs dans ce monde ; c’est assez de le savoir sans le comprendre. Et c’est ici qu’il est temps de reconnaître altitudinem divitiarum, la profondeur et l’abîme de la divine sagesse, sans chercher un détail qui enveloppe des considérations infinies. On voit bien cependant que Dieu n’est pas la cause du mal. Car, non seulement après la perte de l’innocence des hommes le péché originel s’est emparé de l’âme, mais encore auparavant il y avait une limitation ou imperfection originale connaturelle à toutes les créatures, qui les rend peccables ou capables de manquer. Ainsi, il n’y a pas plus de difficulté à l’égard des supralapsaires qu’à l’égard des autres. Et c’est à quoi se doit réduire à mon avis le sentiment de saint Augustin et d’autres auteurs que la racine du mal est dans le néant, c’est-à-dire dans la privation ou