Page:Leibniz - Discours de métaphysique, éd. Lestienne, 1907.djvu/96

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du reste des Estres, ou plustost les autres estres ne donnent que la matiere aux esprits pour le glorifier.

δ C’est pourquoy cette qualité morale de Dieu, qui le rend le Seigneur ou Monarque des Esprits, le concerne pour ainsi dire personnellement d’une maniere toute singuliere. C’est en cela 5 qu’il s’humanise, qu’il veut bien souffrir des anthropologies, et qu’il entre en societé avec nous, comme un Prince avec ses sujets ; et cette consideration luy est si chere, que l’heureux et florissant estat de son Empire[1], qui consiste dans la plus grande felicité possible des habitans[2], devient la supreme de ses loix. Car 10 la felicité est aux personnes[3] ce que la perfection est aux estres. α Et si le premier principe de l’existence du monde physique est le decret de luy donner le plus de perfection qu’il se peut, le premier dessein[4] du monde moral, ou de la Cité de Dieu, qui est la plus nombre de l’univers, doit estre d’y 15 répandre le plus de felicité qu’il sera possible.

Il ne faut donc point douter que Dieu n’ait ordonné tout en sorte que les Esprits, non seulement puissent vivre tousjours, ce qui est immanquable, mais encor qu’ils conservent toujours leur qualité morale, afin que sa cité ne perde aucune personne, 20 comme le monde ne perd aucune substance. Et par consequent, ils sçauront tousjours ce qu’ils sont, autrement ils ne seroient susceptibles de recompense ny de chastiment, ce qui est pourtant de l’essence d’une Republique, mais surtout de la plus parfaite, où rien ne sçauroit estre negligé. 25

Enfin, Dieu estant en meme temps le plus juste et le plus debonnaire des Monarques, et ne demandant que la bonne volonté, pourveu qu’elle soit sincere et serieuse, ses sujets ne

  1. [est la supreme des lois subalternes de sa conduite] qui consiste…
  2. [de ses sujets est]…
  3. aux [esprits].
  4. [principe de l’existence] du monde.