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et enfin la Volonté, qui fait les changements ou productions selon le principe du meilleur. Et c’est ce qui répond à ce qui dans les Monades créées fait le sujet ou la base, la Faculté Perceptive et la Faculté Appétitive. Mais en Dieu ces attributs sont absolument infinis ou parfaits ; et dans les Monades créées ou dans les Entéléchies (ou perfectihabies, comme Hermolaüs Barbarus traduisait ce mot) ce n’en sont que des imitations, à mesure qu’il y a de la perfection (§§7, 149, 150, 87).

49[1]. La créature est dite agir au dehors en tant qu’elle a de la perfection ; et pâtir d’un autre, en tant qu’elle est imparfaite. Ainsi l’on attribue l’Action à la Monade en


    Le sujet ou la base. — La monade est essentiellement une force, une énergie en soi. La puissance de Dieu est cette force ou cette énergie à l’état éminent. Dieu n’en est pas moins acte pur et l’on voit que Leibniz est absolument infidèle à la langue péripatéticienne en appelant cet acte une puissance. Il y a plutôt un souvenir de la doctrine chrétienne qui met en Dieu la toute-puissance. On remarquera aisément l’analogie de la trinité psychique et divine analysée ici par Leibniz avec la trinité chrétienne et alexandrine. La puissance qui contient la source de tout, c’est l’un des alexandrins (le Bien de Platon considéré abstraitement) ; la Connaissance, c’est la Pensée des alexandrins (la pensée de la pensée du péripatétisme) ; la volonté, c’est l’âme ou la Vie des alexandrins (l’âme du monde des stoïciens). Il n’y a plus d’hypostases, le mot d’émanation est généralement banni, mais la doctrine est reconnaissable et l’éclectisme de Leibniz a plus d’analogies qu’on ne croît communément avec l’éclectisme de Plotin.

    Absolument infinis ou parfaits. — Selon Spinoza Dieu possède « une infinité d’attributs infinis » dont deux seulement, l’étendue et la pensée, nous sont connus.

    La Volonté fait les changements ou productions. — C’est ici proprement que la doctrine de Leibniz se sépare entièrement du panthéisme alexandrin et spinoziste. « Spinoza paraît avoir enseigné expressément une nécessité aveugle ayant refusé l’Entendement de la Volonté à l’auteur des choses et s’imaginant que le bien et la perfection n’ont rapport qu’à nous et non pas à lui. Il est vrai que le sentiment de Spinoza sur ce sujet a quelque chose d’obscur, car il donne la pensée à Dieu après lui avoir ôté l’entendement, cogitationem non intellectum concedit Deo. Il y a même des endroits où il se radoucit sur le point de la nécessité. Cependant, autant qu’on le peut comprendre, il ne reconnaît point de bonté en Dieu, à proprement parler, et il enseigne que toutes les choses existent par la nécessite de la nature divine, sans que Dieu fasse aucun choix. Nous ne nous amuserons pas ici à réfuter un sentiment si mauvais et même si inexplicable. » (Théod., §173.) — Enfin, au §150, Leibniz signale lui-même les rapports de son analyse des trois perfections ou primordialités de Dieu, comme les appelait Campanella, avec les trois personnes de la trinité chrétienne.

  1. Agir et pâtir. — Pour Spinoza les passions sont des pensées inadéquates. Malebranche n’admet aucune action de la créature : elle n’agit pas, elle est agie. La théorie de Leibniz est celle de Spinoza : « Il est vrai que Dieu est le seul dont l’action est pure et sans mélange de ce qu’on appelle pâtir ; mais cela n’empêche pas que la créature n’ait part aux actions aussi, puisque l’action de la créature est une modification de la substance qui en coule naturellement, et qui renferme une variation non seulement dans la perfection que Dieu a communiquée à la créature, mais encore dans les limitations qu’elle y apporte d’elle-même pour être ce qu’elle est. » (Théod., §32.) On sait que l’action de l’âme sur le corps est tout idéale. « C’est proprement par ses pensées con-