Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/29

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par exemple un atome d’Épicure, qui aurait une partie avancée en forme de crochet (puisqu’on peut se figurer des atomes de toutes sortes de figures), ce crochet poussé tirerait avec lui le reste de cet atome, c’est-à-dire la partie qu’on ne pousse point, et qui ne tombe point dans la ligne de l’impulsion. Cependant notre habile auteur est lui-même contre ces tractions philosophiques, telles que celles qu’on attribuait autrefois à la crainte du vide, et il les réduit aux impulsions, soutenant avec les modernes qu’une partie de la matière n’opère immédiatement sur l’autre qu’en la poussant de près, en quoi je crois qu’ils ont raison, parce qu’autrement il n’y a rien d’intelligible dans l’opération.

Il faut pourtant que je ne dissimule point d’avoir remarqué une manière de rétractation de notre excellent auteur sur ce sujet, dont je ne saurais m’empêcher de louer en cela la modeste sincérité, autant que j’ai admiré son génie pénétrant en d’autres occasions. C’est dans la réponse à la seconde lettre de feu M. l’évêque de Worcester, imprimée en 1699, p. 408, où, pour justifier le sentiment qu’il avait soutenu contre ce savant prélat, savoir que la matière pourrait penser, il dit entre autres choses : j’avoue que j’ai dit (livre 2 de l’Essai concernant l’entendement, ch. 8, § II) que le corps opère par impulsion et non autrement. Aussi était-ce mon sentiment quand je l’écrivis, et encore présentement je ne saurais y concevoir une autre manière d’agir. Mais depuis j’ai été convaincu par le livre incomparable du judicieux M. Newton qu’il y a trop de présomption à vouloir limiter la puissance de Dieu par nos conceptions bornées. La gravitation de la matière vers la matière par des voies qui me sont inconcevables est non seulement une démonstration que Dieu peut quand bon lui semble mettre dans les corps des puissances et manières d’agir qui sont au-dessus de ce qui peut être dérivé de notre idée du corps, ou expliqué par ce que nous connaissons de la matière ; mais c’est encore une instance incontestable qu’il l’a fait effectivement. C’est pourquoi j’aurai soin que dans la prochaine édition de mon livre ce passage soit redressé. Je trouve que dans la version française de ce livre, faite sans doute sur les dernières éditions, on l’a mis ainsi dans ce § II : Il est visible, au moins autant que nous pouvons le concevoir,