Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/132

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autre j’y tiens très peu… Si vous me demandez ce que je souffre, je ne saurais vous l’expliquer… »

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Je pourrais continuer indéfiniment à cueillir pour vous ces fleurs d’ennui. Qu’y a-t-il donc de plus dans René ?

Ceci surtout, que René a su faire, de la tristesse, de la mélancolie, de l’ennui, un plaisir d’orgueil et une volupté. Il l’avoue lui-même très volontiers et souvent : « C’est dans le bois de Combourg, dit-il au troisième livre des Mémoires, que j’ai commencé à sentir la première atteinte de cet ennui que j’ai traîné toute ma vie, de cette tristesse qui a fait mon tourment et ma félicité. »

La complaisance, et l’on peut bien dire la satisfaction avec lesquelles il nous décrit, il nous développe son mal dans tous ses livres montrent assez que c’est un mal orgueilleux. Et, en effet, toutes les nuances de ce mal, et à tous ses degrés, impliquent, chez celui qui l’éprouve, la conscience de sa supériorité et le goût de se considérer comme le centre du monde. L’ennui est le sentiment de la monotonie ou de la banalité des choses et de leur impuissance à nous contenter. La mélancolie vient souvent de ce que nous sentons notre vie inégale à nos rêves, ou la distance entre ce que nous voudrions et ce que nous pouvons. Dans les deux cas, nous pouvons croire que notre imagination et notre désir dépassent la réalité. Ou bien, dans l’