Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/319

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avait connu d’Alembert, Diderot, les Encyclopédistes, et les avait trouvés d’une vulgarité choquante. Pendant la Révolution, il se tapit à Villeneuve-sur-Yonne, où il recueillit madame de Beaumont fugitive. Mais le bruit et le spectacle, quoique lointain, de la Terreur, achevèrent de détacher Joubert de ce brutal monde des corps.

Il se maria sur le tard. Il épousa par admiration une vieille fille très pieuse, très malheureuse, très dévouée, consommée en mérites, d’ailleurs très intelligente et que Chateaubriand appréciait beaucoup. Il était grand amateur d’âmes féminines : mesdames de Beaumont, de Gontaut, de Lévis, de Duras, de Vintimille… Souvent malade, il aimait presque à l’être : il sentait que la maladie lui faisait l’âme plus subtile. Il déchirait, dans les livres du dix-huitième siècle, les pages qui l’offensaient, et n’en gardait que les pages innocentes dans leurs reliures à demi vidées. Il aimait les parfums, les fruits et les fleurs. Il avait des façons à lui de voir et de recommander la religion catholique. « Les cérémonies du catholicisme, écrit-il, plient à la politesse. » Il ne tenait pas à la vérité : il y préférait la beauté ; ou plutôt, il les confondait avec une astuce séraphique. Renan eût contresigné cette pensée : « Tâchez de raisonner largement. Il n’est pas nécessaire que la vérité se trouve exactement dans tous les mots, pourvu qu’elle soit dans la pensée et dans la phrase. Il est bon, en effet, qu’un raisonnement