Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/345

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auteur accueille tout ce qui lui remonte à la mémoire ou au cœur et tout ce qui lui passe par la tête. Il nous entretient de lui-même autant que de Rancé ; et ce sont de continuelles digressions. À propos des amours de Rancé et de la duchesse de Montbazon, il nous parle abondamment de l’Hôtel de Rambouillet. Il nous parle de Ninon, que pourtant Rancé ne connut pas ; parce que Rancé alla à Chambord, il nous parle de Chambord, puis de Paul-Louis Courier, de François Ier, de Londres et de Henri V, du duc de Guise et de la belle Marcelle de Castellane, de Retz, de Mazarin, etc… C’est ainsi tout le temps. La biographie de Rancé n’occupe pas le quart de l’ouvrage. Nul souci de composition ; souvent, nul lien saisissable entre les phrases d’un même paragraphe ; des impressions juxtaposées ; des raccourcis surprenants, surtout des images, des images quand même, des images à tout prix.

Déjà il les forçait volontiers dans les Mémoires. (Exemple : « Le maréchal Lannes fut blessé mortellement ; Bonaparte lui dit un mot et puis l’oublia ; l’attachement des hommes se refroidit aussi vite que le boulet qui les frappe. » Ou bien : « Les chimères sont comme la torture ; ça fait toujours passer une heure ou deux. J’ai souvent mené en main, avec une bride d’or, de vieilles rosses de souvenirs qui ne pouvaient se tenir debout, et que je prenais pour de jeunes et fringantes espérances. ») Mais, dans la Vie de Rancé, cela est constant. Il lui faut