Aller au contenu

Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on est pris de doutes. Macbeth, Hamlet, le Roi Lear ne sont point des histoires d’amour, non plus que la moitié des romans de Balzac… Oui. mais l’acte par lequel la race se perpétue, les relations des sexes et tous les sentiments qui naissent de là n’en forment pas moins. par la force des choses, une part essentielle et éternelle de la vie de l’humanité. Ils précèdent d’ailleurs, dans l’existence de la plupart des hommes, les sentiments qui dérivent du besoin ou du désir de se conserver, de posséder, de dominer. La lutte pour la vie, sous ses diverses formes, a évidemment pour condition la vie elle-même, dont la perpétuité est assurée par l’amour. Même, les drames de l’amour sont toujours mêlés, plus ou moins directement, aux drames des autres passions. Presque tous les plus vieux poèmes ont pour point de départ l’enlèvement d’une femme. L’amour n’est pas absent de Macbeth que je citais tout à l’heure ; l’adultère est aux origines d’Hamlet et de l’Orestie. Enfin l’amour. quoique la littérature en ait abusé, et quoique la peinture d’autres passions puisse paraître plus intéressante à un artiste réfléchi, n’en garde pas moins un charme invincible, et qui nous sollicite et nous chatouille au plus profond de notre sensibilité. Les chefs-d’œuvre les plus aimés, sinon les plus surprenants, sont encore des histoires d’amour.

Néanmoins, on pourrait s’associer à Corneille réclamant pour la tragédie des passions plus « mâles » quo l’amour et plus « dignes » d’elle, s’il l’en avait