Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/218

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faut un génie particulier qu’il serait puéril de juger inférieur, par la qualité, à celui du grand peintre ou du grand écrivain. Et de fait, cette espèce de génie-là ne se rencontre pas plus fréquemment que les autres. C’est, du reste, un don moral autant qu’intellectuel. Cela n’est point, je pense, pour le diminuer. Ce don, le duc d’Anguien l’avait évidemment, et peut-être même n’y a-t-il point d’autre grand général chez qui ce don ait éclaté plus purement, ait moins été mêlé à d’autres.


IV

À vingt et un ans il gagne la bataille de Rocroy. Cela est unique, car Alexandre et Napoléon avaient du moins quelque vingt-cinq ans quand ils gagnaient leurs premières batailles.

Oui, c’est bien lui qui eut le principal honneur de la journée : il est impossible d’en douter après le récit de M. le duc d’Aumale. Dans ce récit fort bien fait, très clair, malgré la multiplicité des détails, emporté d’un beau mouvement et comme traversé d’un souffle de joie héroïque, le duc d’Anguien est toujours en scène, toujours au premier plan ; c’est lui qui fait tout, et tout tourne autour de lui. Et c’est bien lui qui, au milieu de la bataille, a l’idée du fameux mouvement qui nous valut la victoire. Vous vous rappelez les commencements de l’action ? Pour dire les choses tout en gros, chaque armée a son infanterie