Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/147

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  Et la baise. Telle est la femme. Elle décerne
  Avec emportement son âme à la caserne :
  Elle garde aux bourgeois son petit air bougon,
  Toujours la sensitive adora le dragon.
  Sur ce, battez, tambours ! Ce qui plaît à la bouche
  De la blonde aux doux yeux, c’est le baiser farouche ;
  La femme se fait faire avec joie un enfant
  Par l’homme qui tua, sinistre et triomphant,
  Et c’est la volupté de toutes ces colombes
  D’ouvrir leurs lits à ceux qui font ouvrir les tombes.

Quelles rimes ! quel rythme ! quelle musique ! quelle couleur ! Devant ces effrénées cavalcades de mots, tout pâlit, tout languit ; les plus prestigieux ouvriers en style, les plus illustres que vous pourriez nommer, s’évanouissent, — et ils le savent bien. C’est une joie absolument pure que de lire de tels vers. Je suis si tranquille sur le fond ! Le fond, c’est quelque idée fausse, incomplète, ou qui même me répugne ; ou bien, c’est quelque idée toute simple, même banale, et que le poète laisse banale, comme Dieu l’a faite. Dans les deux cas, la chose m’est indifférente. Et alors je puis savourer uniquement, sans trouble ni souci, la magnifique, triomphante et précise surabondance de l’expression. Je ne sais, pour moi, rien de plus amusant que les méditations de Hugo sur la mort. Car, pour exprimer le néant et sa tristesse, il moissonne à brassées les figures et les formes de la vie. De même, et ne me croyez pas pour cela un mauvais cœur, rien ne me réjouit comme ses listes de tyrans (on en ferait des volumes), et comme ses