Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/217

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et de Chloé, celui d’Adam et d’Ève avant la pomme, sont aussi « affranchis de la pudeur » (pour d’autres raisons, il est vrai). L’amour de Faustus et de Stella, c’est bien encore, au fond, l’amour des pastorales et des idylles. Et le dernier vers de Stella semble presque traduit de l’Oaristys :

 Je m’abandonne entière, épouse, à mon époux.

Et ici j’ai envie de chercher querelle à M. Sully-Prudhomme. Lui, si pur, si délicat, si tendre ! la matérialité de son rêve me déconcerte et me scandalise. Ne trouvez-vous pas que son paradis ressemble fort, jusqu’à présent, au paradis de Mahomet ? La seule différence, c’est que Faustus reste monogame. Mais, enfin, Faustus et Stella boivent et mangent, respirent des parfums, regardent de beaux spectacles, entendent de bonne musique, dorment ensemble dans les fleurs, et puis c’est tout. — Trouvez mieux ! me dira-t-on. — Eh bien ! oui, on pouvait peut-être mieux trouver. Il ne m’eût pas déplu, d’abord, que le poète éliminât de son paradis l’amour charnel, parce que c’est un bien trop douteux, trop rapide, mêlé de trop de maux, précédé de trop de trouble, suivi de trop de dégoût… J’ose presque dire que M. Sully-Prudhomme n’a pas su transporter dans son Éden les meilleurs et les plus doux des sentiments humains. Il y a, même ici-bas, des bonheurs qui me semblent préférables à celui de