Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/247

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directe, immédiate, des choses. Il est, je crois, l’écrivain le plus sincèrement « réaliste » qui ait été. Le réaliste, c’est lui, et non M. Zola, je l’ai répété maintes fois. Sa façon même de composer, l’absence de liaison continue dans le développement de ses personnages, en est une preuve. Et, par contre, c’est parce que M. Zola observe sommairement, parce qu’il construit ses romans à priori et subordonne à ses conceptions les rares remarques qu’il a pu faire sur le vif, c’est pour cela que ses récits ont une si forte unité, sont d’une si large coulée, — et rappellent les belles œuvres classiques en dépit des ordures qu’il y entasse. Mais les livres de M. Daudet, construits uniquement sur des impressions notées, participent du décousu de ces impressions, en même temps qu’ils en conservent l’incomparable vivacité.

Chacun de ses personnages ne nous est présenté que dans les instants où il agit ; et il n’est pas un de ses sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette. C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire. Entre ces apparitions, rien. C’est à nous de faire ou de supposer les liaisons nécessaires. Jamais de ces analyses de sentiments faites par l’auteur ex professo, et qu’on retrouve même chez Flaubert et les Goncourt ; jamais de « morceau psychologique ». Ces personnages ne vivent que