Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/140

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clarté extraordinaire dans la plus vigoureuse subtilité, dédaigneux de la musique, dédaigneux de la couleur, et vivant (mais avec intensité) du seul mouvement de la pensée.

Faguet est le critique le plus austèrement « objectif » que je sache (et c’est cela peut-être qui rend austère aussi la définition que je tente de son talent). Nul ne tient sa personne plus strictement absente de ses ouvrages. Nul n’est plus exempt de parti pris, de passion, d’intolérance, de snobisme, de cabotinage, ni moins possédé (dans ses grandes études) par le désir de plaire.

Mais, comme il arrive, l’homme en lui se laisse deviner par tout ce que l’écrivain se refuse. Liberté fière, ignorance de toute intrigue, nulle vanité, simplicité de mœurs, humeur un peu farouche, bienveillance de pessimiste pour les personnes… je ne dis point que ces vertus ou ces dispositions sont impliquées par son scrupuleux objectivisme critique ; mais, quand on connaît qu’il les a en effet, le souvenir de ses livres fait qu’on n’en est point étonné, et que l’on s’y attendait.

Je n’oserais dire qu’il ait toujours entièrement senti, à mon gré, les poètes, les romanciers, les dramatistes. Mais, comme critique des « penseurs », il me paraît le critique idéal. Il donne l’impression d’être égal, et quelquefois supérieur, à ceux qu’il définit. — Il ne lui manque qu’un peu de sensibilité, un peu de tendresse, un peu de paresse, un peu de