Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/143

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J’ai trouvé nos représentants mieux élevés et de meilleure tenue qu’aux autres séances auxquelles j’avais assisté. M. Jaurès a été écouté avec beaucoup de politesse par les centres et par la droite. Et M. Paul Deschanel n’a été que peu interrompu par l’extrême gauche. Une fois seulement, un petit homme noir, de figure sèche et mauvaise, a jeté quelques cris brutaux. Quant à M. Jaurès, tantôt il ricanait, tantôt il haussait ses larges épaules, mais avec plus d’ostentation que d’hostilité réelle, et surtout comme quelqu’un qui se sait regardé. À un moment, les deux adversaires ont échangé des propos tout à fait obligeants. Ils paraissaient croire au talent et même à la bonne foi l’un de l’autre.

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C’était la première fois que j’entendais M. Jaurès. Autant que j’en puis juger sur une seule épreuve, M. Jaurès est un orateur-né, doublé d’un rhéteur habile, et qui a aisément une imagination de poète : ce qui fait bien des affaires. Nous avions eu la phrase de « la vieille chanson » : nous eûmes, ce jour-là, celle de « la cloche », et quelques autres, non moins belles. La voix est un peu sèche, mais d’un métal inaltérable et que nulle fatigue ne saurait fêler. La diction a d’harmonieux balancements. Elle est monotone et, même dans la discussion, elle est d’un prédicateur plus que d’un orateur politique.