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cent mille égorgés d’Arménie. Nous avons été secoués par les récits de M. Victor Bérard et par les manifestes de M. Ernest Lavisse. Puis sont venus les massacres de Crète et l’agitation de la Grèce. L’Europe s’est émue. Le « concert européen » — formé seulement des grosses puissances intéressées, et qui ne comprend ni la Suisse, ni la Belgique, ni la Hollande, ni le Danemark, ni la Suède et la Norvège — s’est mis à poursuivre un accord presque impossible et toujours fuyant : faux tribunal d’Amphictyons, où manquent à la fois les petits peuples libres — et le Pape.

Et voici notre second remords.

Il était tout naturel que nous fussions de cœur avec les Grecs. Nos souvenirs, notre éducation classique, une communauté de sang, les principes les plus chers de la Révolution et toute notre tradition nationale nous y poussaient. L’intervention des Grecs, sans être désintéressée, ne laissait pas d’être généreuse. Il est clair que, si les Grecs n’avaient pas bougé, s’ils étaient restés « sages », tout se serait terminé une fois de plus par des « réformes » demandées à la Turquie, promises par elle, et non réalisées. Les Hellènes servaient donc la justice et l’humanité. Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo, la France même du second Empire, toute la France