Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à me mêler, sous le grand soleil, aux cohues démentes de la place de l’Hôtel-de-Ville ; et pourtant j’étais un enfant très raisonnable. — Bref, je conçois, sans nul effort que cet homme, l’autre jour, soit monté sur cette table et qu’il y ait chanté cette chanson assassine contre une classe pleine de vices et d’égoïsme assurément (comme toutes les classes sociales sans exception), mais où il y a aussi de braves gens, et dont il se pourrait que la très modeste moyenne de vertu et de bonté ne fût pas trop inégale à la bonté et à la vertu de ceux qui réclament du plomb contre elle. Oui, je conçois que ç’ait été là une des minutes les plus voluptueuses de ce rhétoricien à cou de taureau.

Enfin, si cette considération les touche, les révolutionnaires ont, par surcroît, la quasi-certitude d’être traités sans trop de défaveur par la postérité. Car nous avons beau savoir que les fauteurs de révolte ont toujours participé largement de l’égoïsme contre lequel ils s’insurgeaient ; que, si la justice et la charité appellent quelquefois les révolutions, c’est la haine et l’envie qui les accomplissent, et que, par exemple, ce sont les meneurs de grèves qui, nés capitalistes, eussent été les plus durs patrons : il semble parfois que, les révolutions faites, il en revienne tout de même quelque chose, au bout d’un certain temps, aux résignés, aux humbles de cœur,