Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/232

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moi cela, — bien que je ne pusse le comparer, je l’ai senti supérieur. J’ai compris, en le voyant, cet axiome de sa préface : « Le chirurgien doit être un artiste et non pas un manœuvre », et cette tranquille déclaration : « On a objecté que mes procédés étaient dangereux et inaccessibles à la majorité des opérateurs. Je regretterais qu’il en fût autrement. Il est temps que l’on sache que le premier venu ne peut s’improviser chirurgien. »

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C’est un spectacle très prenant que celui d’une grande opération chirurgicale, surtout dans les cas où, le diagnostic n’ayant pu être entièrement établi, un peu d’aléa et d’aventure achève de la dramatiser.

D’abord, tout cet appareil compliqué, précis, luisant et froid ; ces multiples et fins instruments faits pour couper, percer, pincer, brûler, scier, limer, tordre, et qui éveillent en nous l’idée de sensations atrocement aiguës et lancinantes ; puis cette pauvre nudité exposée sur le lit opératoire, et qui (nous y pensons fraternellement) pourrait être la nôtre ; ce mystère violé de nos plus secrets organes ; cet aspect de corps éventré sur un champ de bataille ; la vue du sang, et des entrailles ouvertes, et des plaies béantes et rouges, vue qui serait insoutenable si le malade sentait, mais qui n’est que suprêmement émouvante puisqu’on a la certitude qu’il ne souffre pas et l’espoir que, en se réveillant, il