Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/246

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et que si la société, dont nous ne retirons, nous autres, que bénéfices, commet des erreurs ou des oublis et fait des victimes, nous en devenons responsables, pour notre part, dès que nous nous retranchons dans notre égoïsme. C’est encore l’idée que, seul, un hasard heureux nous a préservés des nécessités qui oppriment les pauvres et qui parfois les réduisent à un abaissement moral que nous aurions peut-être subi comme eux si nous avions été à leur place, mais qui, d’autres fois, développent en eux des vertus dont nous n’aurions peut-être pas été capables. C’est aussi un sentiment de fraternité dans la souffrance, la faiblesse et l’ignorance communes à tous les hommes, riches ou pauvres. C’est enfin la préoccupation de ne point laisser décroître, par notre faute, la somme de vertus indispensable à la vie de l’humanité, et de sauver de ce trésor fragile et nécessaire tout ce,qui peut encore en être sauvé ; c’est le désir de rechercher s’il ne subsiste pas, chez ces êtres accablés, humiliés et ulcérés par leur triste destinée, quelques germes de noblesse et de dignité morale, de préserver ces germes et de les faire fructifier ; bref, d’« élever » les malheureux par la manière dont on leur tend la main.

Ils vous accorderont peu à peu leur confiance, s’ils sentent en vous une fraternelle pensée et que vous ne vous croyez pas meilleurs qu’eux ni d’une essence supérieure. En étant très simples et très francs ; en y mettant, s’il se peut, de la bonhomie ;