Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/313

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rendre justice à M. Octave Mirbeau. Dans sa pièce, le bourgeois ce n’est pas seulement le « petit rentier » pleuré comme un frère par les conseillers municipaux ; ce n’est pas seulement le conservateur égoïste, obtus et dur. Bourgeois aussi, le « membre de l’opposition », radical avancé qui tient un cabaret « fréquenté de tous les souteneurs et de toutes les filles de la ville » ; bourgeois, le péremptoire docteur Triceps, homme de progrès et de science, quelque chose comme le docteur Homais, et de la race horrible des « médecins-députés »…

Si donc le « bourgeois » n’est, au bout du compte, qu’un type moral, pourquoi l’a-t-on appelé de ce nom de bourgeois, qui est celui d’une classe sociale, flottante, à vrai dire, et elle-même assez malaisément définissable ? C’est une petite question historique, que je n’ai pas la prétention d’élucider.

Le romantisme de 1830, en opposant les poètes et les artistes aux « bourgeois », commence de déshonorer, si je puis dire, ce dernier vocable. Le mauvais renom s’en aggrave encore quand on s’aperçoit que c’est presque uniquement l’ancienne bourgeoisie qui a profité des « conquêtes de la Révolution », et qu’elle en abuse. Il arrive enfin que, sous la monarchie de Juillet, et grâce au régime censitaire, le nom de bourgeois s’applique réellement à une classe distincte du reste de la nation ; et, comme cette classe se montre en effet égoïste, cupide et pusilla-