Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/327

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parce qu’il faut bien se défendre dans la vie ; mais je ne suis point si fâché que cela. Je n’ai aucune peine à entrer dans votre état d’esprit. Je suis comme vous : je n’ai presque jamais trouvé que la critique comprît entièrement mes pièces, ni même qu’elle les racontât comme elles étaient, ni qu’elle leur fût pleinement équitable. On s’y résigne quand on est sage ; et, quand on est fier, on se rend justice à soi-même silencieusement, et l’on se contente de son propre témoignage. On y est très aidé par la considération de ce qu’il y a de hasard mystérieux dans les succès de théâtre. Vous n’avez pas su prendre ce parti, et combien je le regrette ! Vos sentiments, tout involontaires et fort excusables, étaient d’un homme ; mais votre conduite, hélas ! a été d’un « gendelettre », et je suis obligé de donner ici à cet affreux mot toute sa force.

Si vous vouliez bien le reconnaître vous-même (et pourquoi non ? votre récente victoire a dû vous détendre), je vous répéterais, sans ombre d’ironie, ce que je disais il y a un an : « La susceptibilité des hommes de lettres est, quand on y réfléchit, bien misérable… Pourquoi tant souffrir d’appréciations qui ne nous atteignent ni ne nous diminuent dans ce qui nous devrait seul importer, j’entends notre valeur morale ?… On peut avoir fait un mauvais drame, et non seulement n’être pas un sot, mais encore, par d’autres dons que ceux qui font le bon dramaturge et le bon écrivain, par un autre tour