Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/341

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le montrer capable des mêmes vertus et des mêmes sacrifices que l’homme libre ! Comment traiter avec dédain ces femmes que l’on avait vues dans l’amphithéâtre plus sublimes encore que leurs maîtresses ? La bonne servante lyonnaise avait entendu dire que les jugements de Dieu sont le renversement des apparences humaines, que Dieu se plaît souvent à choisir ce qu’il y a de plus humble, de plus laid et de plus méprisé pour confondre ce qui paraît beau et fort. Se pénétrant de son rôle, elle appelait les tortures et brûlait de souffrir… »

Il m’eût donc plu que l’auteur conçût cette tragédie chrétienne de façon qu’elle signifiât principalement le triomphe moral des esclaves, des petites gens, des ignorants grands par le cœur. Blandine eût gardé, dans le commencement du drame, l’attitude effacée et muette que lui prête habilement M. Barbier, et qui est destinée à faire un dramatique contraste avec le rôle prépondérant qu’elle joue dans la suite. Mais, en outre, les chrétiens de la bonne société, Attale, Æmilia, Épagathus, Alexandre même, tout en la regardant comme leur soeur en Dieu, n’eussent pas, d’abord, fait grande attention à elle, lui eussent témoigné tout juste les sentiments fraternels qui sont « de commandement », et, malgré eux, se ressouvenant de leur condition sociale, eussent considéré l’humble servante comme une créature égale sans doute à eux-mêmes par sa participation au rachat divin, mais inférieure par l’intell-