Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/347

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tionnaires sont pour la nôtre. L’État et le peuple romain se trompaient en attribuant aux chrétiens des crimes et des pratiques infâmes ; ils ne se trompaient point en les considérant comme des ennemis irréductibles.

Si les communautés chrétiennes étaient composées, en majorité, de très douces âmes, il devait pourtant s’y rencontrer, surtout parmi les catéchumènes, des malheureux venus là par désespoir, excès de souffrance, haine de la société établie, instinct de révolte, insuffisamment instruits et non encore imprégnés de l’esprit de Jésus. Or la haine des corruptions sociales, si l’on n’y prend garde, est toute proche de la haine des élégances, qui est toute proche de la haine des richesses, qui est toute proche de la haine des riches, qui implique aisément la condamnation de l’ordre social lui-même. Elle revêt donc assez aisément un caractère révolutionnaire. Les âmes chrétiennes les plus douces et les plus abondantes en vertus parlaient des « infamies du vieux monde » dans les mêmes termes que le font aujourd’hui les anarchistes les moins vertueux. Et comme ceux-ci croient à l’avènement de la Cité idéale, les chrétiens croyaient au millenium, au règne des saints, dont une des conditions était la destruction de Rome et de l’Empire. Cette destruction, ils l’appelaient de leurs voeux, et c’était assurément un désir permis. Mais il n’est pas impossible qu’à force de la désirer, et comme une chose promise par Dieu,