Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/360

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lettres que j’ai reçues, beaucoup de Français en France désirent que le Tartuffe de Molière ne soit pas double. Démontrons donc qu’il ne l’est pas, et que les deux Tartuffe peuvent se fondre. Rien de plus facile.

Une première remarque à faire, et très importante, c’est que Tartuffe, tout le temps que nous le voyons en personne, est, à fort peu de chose près, cohérent, harmonieux, d’accord avec lui-même. Il n’est en désaccord qu’avec l’idée que nous ont donnée de lui Dorine, puis Orgon. En d’autres termes, il n’y a pas deux Tartuffe ; mais il y a Tartuffe, d’une part, et, d’autre part, le portrait qui nous a été fait de Tartuffe avant son entrée en scène.

Or, il faut considérer que ce portrait est moitié d’une ennemie, et d’une ennemie qui est servante (Dorine), et moitié d’un imbécile (Orgon) ; que, par conséquent, nous ne le pouvons accueillir que sous bénéfice d’inventaire, que nous en devons contrôler, rectifier ou, mieux, interpréter tous les traits.

Le Tartuffe de Dorine, c’est Tartuffe jugé et décrit par la cuisine et par l’office. « C’est un beau museau ! » Soit. Mais il y a des laideurs expressives, originales, et qui ne déplaisent pas à toutes les femmes. Apparemment, l’idéal masculin de Dorine, c’est un beau mousquetaire ou, comme nous disons aujourd’hui, un garçon coiffeur ou un ténor. Tartuffe peut s’éloigner de ce type ; il peut être mal bâti et avoir toutefois une flamme aux