Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/361

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yeux, une grâce dans le sourire, une animation dans la physionomie, un je ne sais quoi de persuasif ou de dominateur, qui échappe à cette dondon de Dorine.

« C’est un goinfre », dit-elle encore. Mettons qu’il a grand appétit et ne dédaigne pas les vins loyaux. On n’ignore pas que la gourmandise est le péché mignon de beaucoup de personnes religieuses et même d’ecclésiastiques excellents. Louis Veuillot ne fut point une fourchette médiocre. Parmi les voluptés sensuelles, les plaisirs de la table sont ceux que l’Église interdit avec le moins de rigueur. Pourvu qu’ils n’aillent pas aux derniers excès, elle consent à y reconnaître une sorte d’innocence. Bien manger, c’est ne point faire fi des présents de Dieu qui « donne la pâture aux petits des oiseaux » ; bien manger, c’est déjà presque une façon de louer la Providence. « Les dévots, dit La Bruyère, ne connaissent de crimes que l’incontinence, parlons plus précisément, que le bruit ou les dehors de l’incontinence. Si Phérécide passe pour être guéri des femmes, ou Phérénice pour être fidèle à son mari, ce leur est assez : laissez les jouer un jeu ruineux, faire perdre leurs créanciers, se réjouir du malheur d’autrui et en profiter, idolâtrer les grands, mépriser les petits, s’enivrer de leur propre mérite, sécher d’envie, mentir, médire, cabaler, nuire : c’est leur état. » À plus forte raison laissez-les manger à leur appétit et boire à leur soif, et un peu au delà. Pour