Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

six mois tout nud au désert, et en issit tout dérompu des mouches et d’autres bêtes. » Traduction du frère Jehan de Vignay, 1496.)

Et, enfin, j’avais tort de traiter Tartuffe de « mendigot ». Tartuffe n’a jamais mendié. Voici ce qui s’est passé, d’après Orgon. Orgon a, de lui-même, remarqué ce saint homme qui ne lui demandait rien et se contentait de lui offrir discrètement de l’eau bénite à la sortie de l’église :

  Instruit par son garçon, qui dans tout l’imitait,
  Et de son indigence, et de ce qu’il était,
  Je lui faisais des dons ; mais avec modestie
  Il me voulait toujours en rendre une partie.
  « C’est trop, me disait-il, c’est trop de la moitié ;
  Je ne mérite pas de vous faire pitié ; »
  Et quand je refusais de le vouloir reprendre,
  Aux pauvres, à mes yeux, il allait le répandre…

Mélange de fierté décente et d’humilité chrétienne, Tartuffe a donc pu apparaître à Orgon bien moins comme un mendiant que comme une façon de bon Monsieur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (excusez cet anachronisme), intermédiaire de bonne volonté entre les personnes pieuses et les pauvres. Et ces mots : « À mes yeux, il allait le répandre », peuvent bien nous faire sourire : là où nous voyons l’ostentation du personnage, Orgon n’a vu que son ombrageuse délicatesse… Oui, je conçois de plus en plus qu’il se soit laissé prendre.

Ceci nous amène à la scène où Tartuffe fait son