Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/87

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ment d’une démocratie un peu socialiste et pourtant césarienne et, par là, l’achèvement historique de la Révolution française : grands desseins dont les moyens d’exécution se précisaient mal dans son imagination de doux fataliste qui, ébloui par un destin prodigieux dont il était l’heureux jouet et dont il se croyait le héros, comptait indolemment sur la vertu de son étoile. Il fut de ceux dont on peut dire qu’ils sont meilleurs qu’une partie de leurs actes, parce que ses actes furent rarement siens ou que rarement il y fut tout entier. Il vécut ainsi dans une brume de rêve — qui, vers la fin, s’ensanglanta.

M. Duruy rêvait peu, avait l’esprit net, était actif, croyait à une seule morale, ne se sentait point providentiel. Comment plut-il à l’empereur ? Ceci n’est point un mystère, puisque les hommes s’attirent également par leurs contrastes et par leurs ressemblances. L’empereur aima donc cette netteté, cette précision, ce sens pratique dont il était lui-même si mal pourvu. Il aima aussi cette probité, cette franchise, cette gravité douce. Il trouvait d’ailleurs en M. Duruy (je cite ici M. Ernest Lavisse) « le sincère sentiment démocratique, la générosité d’instincts, la foi aux idées, le patriotisme idéaliste qui étaient en lui-même, et le même amour philosophique de l’humanité ». Enfin — et je suis tenté de dire surtout, — l’auteur de la Vie de César aima l’historien attitré de Rome, de cette Rome dont la période impé-