Page:Lemaistre de Sacy - Nouveau testament, Mons, 1667, vol 1.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portant à regarder comme bas ce qui peut passer dans ces autres langues pour grand & majestueux. On voioit même par expérience qu’en voulant ne s’écarter en rien de la lettre sous pretexte de fidélité, on estoit effectivement moins fidelle ; parce qu’on perdoit beaucoup du sens, n’estant pas possible de le faire bien entendre, qu’en prenant un tour un peu plus libre & plus étendu.

Enfin en faisant réflexion sur Saint Jérôme, qui est comme le modelle des traducteurs de l’Ecriture, puisque l’Eglise a si solemnellement approuvé sa version, on reconnoissoit qu’il n’avoit point cru estre obligé de s’attacher servilement à la lettre, puisque l’on voit par la manière dont il a traduit Job & les Prophetes, que bien loin de n’en faire qu’une glose, il a tellement éclairci ces Ecrits divins qui estoient beaucoup plus obscurs dans les Septante, & il leur donné dans sa traduction tant de force & tant de vigueur, que Saint Augustin en cite les paroles, lors même qu’elle n’estoit pas encore en usage dans l’Eglise, pour faire voir l’éclat & la majesté de l’Ecriture.

Il n’y a que ceux qui ont fait quelque essai de cette sorte de travail qui puissent bien juger de la peine & de l’incertitude où l’on se trouve, aiyant ainsi l’esprit partagé par ces differentes vües. Si l’on s’éloigne de la lettre, on condamne soymême son ouvrage comme trop libre ; & quand l’on veut s’y attacher, la bassesse & l’obscurité, qui est jointe par nécessité aux traductions litterales, fait qu’elles deviennent insupportables. On change donc souvent de resolution & de sentiment, & celuy où l’on s’arreste en un temps, paroist peu de temps après le moins bon ; parce qu’y ayant inconvénient de part & d’autre on commence à sentir davan-