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LAMARTINE.

Ils allèrent chercher dans toutes les familles
Le plus beau des linceuls dont on pût la parer ;
Pour lui faire un bouquet, des lys et des jonquilles ;
Pour lui chanter l’adieu, des chœurs de jeunes filles,
            Et des mères pour la pleurer.

Ils lui firent un lit de sable où rien ne pousse,
Symbole d’amertume et de stérilité ;
Mais les fleurs de pitié rendirent la mer douce,
Le sable de ses bords se revêtit de mousse,
            Et cette fleur s’ouvre l’été.

Vierges, venez cueillir ce beau lys solitaire,
Abeilles de nos cœurs dont l’amour est le miel !
Les anges ont semé sa graine sur la terre ;
Son sol est le tombeau, son nom est un mystère ;
            Son parfum fait rêver du ciel.


(Méditations poétiques)


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LE PREMIER REGRET




Sur la plage sonore où la mer de Sorrente
Déroule ses flots bleus, aux pieds de l’oranger,
Il est, près du sentier, sous la haie odorante,
Une pierre petite, étroite, indifférente
            Aux pas distraits de l’étranger.

La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes,
Un nom que nul écho n’a jamais répété.
Quelquefois seulement le passant arrêté,