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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Et deux fois, en tournant, recula sur sa base
Et fit pâlir deux fois ses prêtres en extase,
Allumèrent l’encens, dressèrent un festin
Dont le bruit s’entendait du mont le plus lointain ;
Et près de la génisse aux pieds du Dieu tuée
Placèrent Dalila, pâle prostituée,
Couronnée, adorée et reine du repas,
Mais tremblante et disant : Il ne me verra pas !

Terre et ciel ! avez-vous tressailli d’allégresse
Lorsque vous avez vu la menteuse maîtresse
Suivre d’un œil hagard les yeux tachés de sang
Qui cherchaient le Soleil d’un regard impuissant ?
Et quand enfin Samson, secouant les colonnes
Qui faisaient le soutien des immenses Pylônes,
Écrasa d’un seul coup, sous les débris mortels,
Ses trois mille ennemis, leurs dieux et leurs autels ?


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LA MAISON DU BERGER




Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie,
Se traîne et se débat comme un aigle blessé,
Portant comme le mien, sur son aile asservie,
Tout un monde fatal, écrasant et glacé ;
S’il ne bat qu’en saignant par sa plaie immortelle,
S’il ne voit plus l’amour, son étoile fidèle,
Éclairer pour lui seul l’horizon effacé ;

Si ton âme enchaînée, ainsi que l’est mon âme,
Lasse de son boulet et de son pain amer,