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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Victor Hugo a laissé de nombreux manuscrits qui sont publiés par les soins de MM. Auguste Vacquerie et Paul Meurice.

Revenu d’exil en 1870, il est mort à Paris le 22 mai 1885.

« Victor Hugo est mort à quatre-vingt-quatre ans, mais il emplira de sa vie glorieuse le siècle tout entier. L’ordre, la symétrie, la logique, eussent voulu en effet qu’il demeurât cent ans parmi nous, comme il restera immortellement dans la mémoire des hommes. Son œuvre immense embrassait, d’année en année, une plus large sphère, par le débordement d’un prodigieux génie lyrique sans égal dans l’histoire des littératures. Nous assistons en lui à ce spectacle d’une volonté puissante, conforme à une destinée admirable ; nous saluons éblouis et respectueux, cette ascension énergique et sans arrêt d’un grand esprit vers la sérénité d’une conviction sublime. Il nous a quittés, plein de jours et plein de gloire, en léguant à la France l’œuvre magnifique de soixante années de génie, et les générations futures l’acclameront, car il a aimé ardemment la justice et la liberté, car il a exprimé le monde multiple des pensées et des sentiments avec un tel éclat et une telle intensité dans l’ampleur, que rien de ce qu’il nous a révélé ne peut s’oublier.

« Nul n’est un grand poète s’il n’est un grand artiste. L’expression est la pensée elle-même rendue visible. Dans le monde de la Poésie surtout, tel qui prétend négliger l’une pour l’autre ne pense ni n’existe. Victor Hugo, lui, contemple la beauté des choses d’un regard infaillible, et cette beauté resplendit vivante dans ses vers. Son œil saisit à la fois, avec une égale certitude, le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière ; son oreille perçoit les rumeurs confuses et la netteté des sons divers dans l’harmonie universelle ; et ces perceptions innombrables, qui affluent incessamment en lui, s’animent et jaillissent en images splendides, toujours précises dans leur abondance sonore, toujours justes dans leur accumulation formidable ou dans leur charme irrésistible ; car les sentiments les plus délicats, les impressions les plus vives et les plus subtiles acquièrent, en passant par une âme haute et virile, une expression souveraine. La grâce et l’attendrissement des forts sont incomparables. Et c’est pour cela que Victor Hugo, le Lyrique, l’Épique, le