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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l’homme,
                    Chantaient leur chant sacré !

Il voulut tout revoir, l’étang près de la source,
La masure où l’aumône avait vidé leur bourse,
                    Le vieux frêne plié,
Les retraites d’amour au fond des bois perdues,
L’arbre où dans les baisers leurs âmes confondues
                    Avaient tout oublié !

Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d’où l’œil plonge en une oblique allée,
                    Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. — Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l’ombre
                    Des jours qui ne sont plus !

Il entendait frémir dans la forêt qu’il aime
Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
                    Y réveille l’amour,
Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l’âme de tout qui va sur chaque chose
                    Se poser tour à tour !

Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S’efforçant sous ses pas de s’élever de terre,
                    Couraient dans le jardin ;
Ainsi, parfois, quand l’âme est triste, nos pensées
S’envolent un moment sur leurs ailes blessées,
                    Puis retombent soudain.

Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques ;
                    Il rêva jusqu’au soir ;