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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Je ne résiste plus à tout ce qui m’arrive
                     Par votre volonté.
L’âme de deuils en deuils, l’homme de rive en rive,
                     Roule à l’éternité.

Nous ne voyons jamais qu’un seul côté des choses ;
L’autre plonge en la nuit d’un mystère effrayant.
L’homme subit le joug sans connaître les causes.
Tout ce qu’il voit est court, inutile et fuyant.

Vous faites revenir toujours la solitude
                     Autour de tous ses pas.
Vous n’avez pas voulu qu’il eût la certitude
                     Ni la joie ici-bas !

Dès qu’il possède un bien, le sort le lui retire.
Rien ne lui fut donné, dans ses rapides jours,
Pour qu’il s’en puisse faire une demeure, et dire :
« C’est ici ma maison, mon champ, et mes amours ! »

Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ;
                     Il vieillit sans soutiens.
Puisque ces choses sont, c’est qu’il faut qu’elles soient ;
                     J’en conviens, j’en conviens !

Le monde est sombre, ô Dieu ! l’immuable harmonie
Se compose des pleurs aussi bien que des chants ;
L’homme n’est qu’un atome en cette ombre infinie,
Nuit où montent les bons, où tombent les méchants.

Je sais que vous avez bien autre chose à faire
                     Que de nous plaindre tous,
Et qu’un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,
                     Ne vous fait rien, à vous !