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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

XXIII


Ne savais-tu donc pas, comédienne imprudente,
Que ces cris insensés qui te sortaient du cœur
De ta joue amaigrie augmentaient la pâleur ?
Ne savais-tu donc pas que sur ta tempe ardente
Ta main de jour en jour se posait plus tremblante,
Et que c’est tenter Dieu que d’aimer la douleur ?


XXIV


Ne sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse
De tes yeux fatigués s’écoulait en ruisseaux,
Et de ton noble cœur s’exhalait en sanglots ?
Quand de ceux qui t’aimaient tu voyais la tristesse,
Ne sentais-tu donc pas qu’une fatale ivresse
Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux ?


XXV


Oui, oui, tu le savais, qu’au sortir du théâtre,
Un soir, dans ton linceul il faudrait te coucher.
Lorsqu’on te rapportait plus froide que l’albâtre,
Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre
Regardait goutte à goutte un sang noir s’épancher,
Tu savais quelle main venait de te toucher.