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ALFRED DE MUSSET.


Il te resterait ta puissance,
Et nous en sentirions les coups ;
Mais le repos et l’ignorance
Auraient rendu nos maux plus doux.

Si la souffrance et la prière
N’atteignent pas ta majesté,
Garde ta grandeur solitaire,
Ferme à jamais l’immensité.

Mais si nos angoisses mortelles
Jusqu’à toi peuvent parvenir,
Si dans les plaines éternelles
Parfois tu nous entends gémir.

Brise cette voûte profonde
Qui couvre la création,
Soulève les voiles du monde,
Et montre-toi, Dieu juste et bon !

Tu n’apercevras sur la terre
Qu’un ardent amour de la foi,
Et l’humanité tout entière
Se prosternera devant toi.

Les larmes qui l’ont épuisée
Et qui ruissellent de ses yeux,
Comme une légère rosée,
S’évanouiront dans les cieux.

Tu n’entendras que tes louanges,
Qu’un concert de joie et d’amour,
Pareil à celui dont tes anges
Remplissent l’éternel séjour ;