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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

     Il s’asseoit où me voilà,
     S’écriant : « Oh ! quelle guerre !
              Oh ! quelle guerre ! »
     — Il s’est assis là, grand’mère !
           Il s’est assis-là ! »

     « J’ai faim, » dit-il ; et bien vite
     Je sers piquette et pain bis ;
     Puis il sèche ses habits,
Même à dormir le feu l’invite.
     Au réveil, voyant mes pleurs,
     Il me dit : « Bonne espérance !
     Je cours de tous ses malheurs
     Sous Paris venger la France. »
     Il part ; et, comme un trésor,
     J’ai depuis gardé son verre,
              Gardé son verre.
     — Vous l’avez encor, grand’mère !
          Vous l’avez encor ! »

     « Le voici. Mais à sa perte
     Le héros fut entraîné.
     Lui, qu’un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.
     Longtemps aucun ne l’a cru :
     On disait : « Il va paraître.
     Par mer il est accouru ;
     L’étranger va voir son maître. »
     Quand d’erreur on nous tira,
     Ma douleur fut bien amère !
             Fut bien amère !
     — Dieu vous bénira, grand’mère,
          Dieu vous bénira. »


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