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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Vite elle déchaussa son petit pied charmant
(Tout en elle était pur, tout en elle était chaste).
Interrogeant des yeux la haute forêt vaste,
La blonde abandonna son dernier vêtement,

Et sur un fond vert sombre apparut toute blanche…
Quand elle descendit au bord du grand miroir,
Profondément limpide, elle aurait pu s’y voir,
D’une main retenue à quelque basse branche,

Mais, pas même un instant, la femme n’y songea.
De sa rare beauté fièrement dédaigneuse,
Devant elle tout droit cheminant, la baigneuse,
Quand son pied toucha l’eau, d’un brusque élan plongea.

Filant comme une vive à rapide nageoire,
Elle reprit haleine au milieu de l’étang,
Où s’étalaient aux yeux, comme un jardin flottant,
Des nymphæas ouverts, larges roses d’ivoire.

Comme elle, sur les eaux, respirant la fraîcheur,
En la voyant passer, de grands cygnes sauvages,
Qui lentement suivaient la courbe des rivages,
Parfois s’approchaient d’elle, émus de sa blancheur.

Quand elle s’échappa de son bain, ruisselante,
Les cheveux dénoués, au déclin du soleil,
L’astre l’enveloppa d’un chaud rayon vermeil,
Et sur la chair de nacre essuya l’eau perlante.

Heureuse de son bain, la blonde rattacha
Sa robe et son écharpe, et vite rhabillée,
En voyant à son arc une corde mouillée,
D’un geste impatient et brusque l’arracha.