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THÉODORE DE BANVILLE.

féodal du moyen âge, ramena dans le burg romantique le cortège des anciens Dieux. » Dans ses Odes funambulesques, il imagina « une nouvelle langue comique versifiée, appropriée à nos mœurs et à notre poésie actuelle, et qui procède du véritable génie de la versification française en cherchant dans la rime elle-même ses principaux moyens d’expression. » Enfin, pensant que le poète doit être avant tout un bon ouvrier, Théodore de Banville a voulu qu’il possédât les instruments de travail les plus savants et les plus subtils. Tous les rythmes que Victor Hugo avait négligé de reprendre à Ronsard et aux autres poètes de la Pléiade, il les a remis en honneur. Il a également restauré, par de parfaits exemples, les anciens poèmes à forme fixe tombés en désuétude, tels que le Rondel de Charles d’Orléans, le Dixain de Clément Marot, la Ballade de François Villon et de La Fontaine.

Prince, voilà tous mes secrets,
Je ne m’entends qu’à la métrique :
Fils du Dieu qui lance des traits,
Je suis un poète lyrique,


dit-il dans l’envoi de sa Ballade sur lui-même. Théophile Gautier, dans une page que nous abrégeons à regret, n’a pas porté d’autre jugement : « Il est, en effet, lyrique, invinciblement lyrique, et partout et toujours et presque malgré lui pour ainsi dire… Il nage au milieu des splendeurs et des sonorités, et derrière ses stances flamboient comme fond naturel les lueurs roses et bleues des apothéoses : quelquefois c’est le ciel avec ses blancheurs d’aurore ou ses rougeurs de couchant ; quelquefois aussi la gloire en feux de Bengale d’une fin d’opéra. Banville a le sentiment de la beauté des mots ; il les aime riches, brillants et rares, et il les place sertis d’or autour de son idée comme un bracelet de pierreries autour d’un bras de femme ; c’est là un des charmes et peut-être le plus grand de ses vers. »

En prose, Théodore de Banville a écrit des Contes qui cachent sous une forme éblouissante, sous une invention très chimérique en apparence, une philosophie et une observation subtiles. Il a donné en outre un volume de Souvenirs et plusieurs livres réunis sous le titre collectif de Petites Études, parmi lesquels le célèbre Traité de Poésie française, que doivent